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Fonds vert : les collectivités et le bâtiment demandent des comptes

PARIS — Ne parlez pas à Christophe Béchu de “coupes”. Le 4 avril, devant la Fédération nationale des travaux publics, le ministre euphémisait : “Le Fonds vert n’a pas baissé, l’augmentation a été annulée.”
Il n’empêche, les collectivités ne verront pas la couleur des 500 millions supplémentaires inscrits au budget à l’automne 2023 : le Fonds vert restera peu ou prou à son niveau de 2023, soit 2 milliards d’euros.
Un coup dur pour les maires qui comptaient sur cette cagnotte pour financer les projets d’adaptation au changement climatique, dont la rénovation des écoles — et les entreprises bénéficiaires de ces marchés.
Depuis l’annonce, en février, du coup de rabot, élus locaux et fédérations d’entreprise s’activent en coulisses pour limiter les dégâts et font déjà pression sur le budget 2025. Ils plaident pour une loi de programmation sur les sujets de transition écologique.
Elles parent en attendant au plus pressé.
“Dès l’annonce des coupes, toutes les associations d’élus ont pris rendez-vous avec les ministères”, raconte Delphine Labails, la maire de Périgueux et membre de l’Association des maires de France.
Parmi les objectifs : savoir quelles consignes seront données aux préfets pour prioriser les projets et répartir les crédits restants.
Ces précisions pourraient prendre la forme d’une circulaire “imminente” et doivent être arbitrées entre le ministère des Finances et celui de la Transition écologique, indique-t-on chez ce dernier. “La seule consigne, c’est l’efficacité, indique un conseiller. Entre deux projets équivalents, les préfets devront prioriser le plus utile pour le climat.”
La rénovation énergétique des bâtiments scolaires concentre les inquiétudes. Il y a près d’un an, Emmanuel Macron promettait un “grand plan de restauration écologique des écoles”. Il était prévu de flécher 500 millions d’euros du Fonds vert vers les établissements. Mais les élus locaux ignorent encore si cette enveloppe sera sanctuarisée ou rognée.
Sur ce sujet, le cabinet de Christophe Béchu louvoie. “On ne financera pas tous les dossiers juste pour atteindre 500 millions, mais je ne pense pas que les projets de rénovation des écoles seront limités par l’enveloppe budgétaire”, tente un conseiller. Après plusieurs relances, il répond : “Cela revient à une sanctuarisation.”
Plusieurs interlocuteurs décrivent l’embarras du gouvernement. “Ils ne savent pas où ils vont”, rapportait un représentant de collectivités locales après une rencontre avec Christophe Béchu. De cet échange, il a compris que le budget serait réduit principalement en finançant moins de projets.
Pour le moment, le gouvernement a seulement assuré par la voix du ministre des Comptes publics que les projets lancés en 2023 seraient toujours soutenus en 2024.
Elus locaux ou fédérations professionnelles, tous disent l’urgence de savoir. “Il y a un grand stress chez les collectivités, décrit Guillaume Perrin, directeur d’un programme de rénovation énergétique des bâtiments publics. Elles se demandent quels projets devront être revus à la baisse ou mis de côté.”
Et l’attentisme se propage, alerte-t-il : “Elles craignent que d’autres aides soient coupées”, au risque de ralentir tous les projets.
Par ricochet, les entreprises s’inquiètent pour leur carnet de commandes. La Fédération nationale des travaux publics (FNTP) estime ainsi qu’un million dépensé par l’Etat dans le cadre du Fonds vert donne trois ou quatre millions d’investissements publics.
Et puis, 2024 n’est pas une année comme les autres. La fin des mandats municipaux approche, les prochaines élections se tenant en 2026. “C’est la dernière année pour lancer des projets ambitieux, décode Guillaume Perrin. Mais les élus n’en feront pas sans l’assurance de pouvoir boucler leur financement. Ça tue les deux dernières années de mandat.”
“Sans vouloir dramatiser, c’est maintenant ou jamais”, renchérit un conseiller de l’Association des petites villes de France.
La bataille pour le budget 2025 a par ailleurs commencé. Là encore, les représentants de collectivités affirment ressortir de leurs échanges avec les ministères sur le sujet sans perspective. Ils réclament, a minima, de maintenir le budget du Fonds vert en l’état, et surtout d’en finir avec les annonces contradictoires.
“L’augmentation du Fonds vert envoyait un signal fort aux collectivités : faites des projets et on vous soutiendra, explique Damien Demailly, directeur adjoint de l’Institut de l’économie pour le climat. Ce signal est brouillé.”
Cet été, le gouvernement devra pour la première fois presenter aux parlementaires une “stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique et de la politique énergétique”. Un document qui détaillera les crédits prévus et les montants que devraient investir les administrations, les ménages et les entreprises sur cinq ans.
Mais les acteurs locaux veulent aller plus loin et réclament une loi de programmation des financements climats, même si l’exercice peut-être périlleux en ces temps de dérive du déficit public.
Guillaume Perrin résume : “Le ministère de la Transition écologique comprend nos enjeux financiers ; Bercy comprend les enjeux financiers de l’Etat.”

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